La comète de Halley, la première comète périodique

Edmond Halley (1656-1742) est venu à deux reprises à l’Observatoire de Paris, au début de 1681 et en janvier 1682. Il est impressionné par la proposition de Cassini sur l’existence de comètes périodiques. Comme Newton lui a montré comment déterminer l’orbite parabolique (ou elliptique très allongée) d’une comète à partir de la mesure de plusieurs de ses positions successives dans le ciel, Halley se lance dans un travail titanesque : il collecte les informations sur le mouvement apparent de 24 comètes anciennes ou récentes, et calcule les paramètres de leur orbite, supposée parabolique pour simplifier. Parmi elles, on trouve celles qui sont passées près de la Terre en 1531 et en 1607, ainsi qu’une comète apparue récemment, en 1682. Surprise ! Elles tournent toutes trois autour du Soleil avec un mouvement rétrograde, en sens opposé à celui des planètes, et les paramètres de leur orbite sont pratiquement identiques : il s’agit donc probablement d’une seule et unique comète.

La période de cette comète,qui oscille entre 75 et 76 ans, lui paraît affectée par l’attraction gravitationnelle des planètes à proximité desquelles elle passe. Plus tard, vers 1719, Halley insère dans ses Tables astronomiques, publiées de façon posthume en 1749, de nouveaux commentaires sur la fameuse comète : il en a identifié plusieurs passages anciens en 1305, 1380 et 1456. Depuis, bien d’autres passages ont été retrouvés, notamment celui de 1066 où la comète est représentée sur la Tapisserie de Bayeux, et celui de 1301 qui a probablement suscité la représentation d’une comète dans l’Adoration des Mages, peinte environ quatre années plus tard par Giotto (ca. 1266-1337) sur les murs de la chapelle Scrovegni à Padoue en Italie.

La comète de Halley, la première comète périodique - 5

Carte de l’hémisphère boréal où sont tracés deux ovales pour la recherche de la comète de 1682 qui devait reparaitre à la fin de 1758 ou au commencement de 1759 par Charles Messier, tiré des Mémoires de l'Académie royale des sciences pour 1760.

Crédit : Observatoire de Paris

Dès 1757, tout le monde attend avec impatience le retour de la comète. Sera-t-il retardé par l’attraction gravitationnelle des planètes ? Déjà Halley avait estimé que le retard pourrait être important, et que la comète de 1681 pourrait bien ne réapparaître qu’en 1759. Trois savants français vont essayer de résoudre le problème de perturbations gravitationnelles posé par Halley : ce sont Alexis-Claude Clairaut (1713-1758), Nicole-Reine Lepaute (1723-1788), une des très rares femmes scientifiques de l’époque, et le jeune Joseph-Jérôme Lefrançois de Lalande (1732-1807). Le problème n’a jamais été traité auparavant. Au bout « d’immenses calculs », ils prédisent un retard de 518 jours dû à Jupiter, auquel s’ajoute un retard de 100 jours dû à Saturne : la comète passerait donc à son périhélie (le point le plus proche du Soleil) le 13 avril 1759. Ce sera en fait le 14 mars de cette année.

Les astronomes du monde entier vont essayer d’observer la comète afin de vérifier les prévisions de Clairaut et de ses collaborateurs. Le premier à l’avoir vue, la nuit de Noël 1758, est un astronome amateur habitant près de Dresde, Johann Georg Palitzsch (1723-1788). Mais personne à Paris n’entend parler de cette découverte. En attendant, les Parisiens ne restent pas inactifs. Charles Messier (1730-1817) redécouvre la comète le 21 janvier 1759 et la suit jusqu’au 5 février, où elle s’approche trop du Soleil pour rester observable. Mais Messier est que l’assistant de Joseph-Nicolas Delisle (1688-1768). Celui-ci, qui veut être le premier à annoncer la découverte à l’Académie des Sciences, impose le secret à Messier. Les autres astronomes parisiens, quant à eux, craignent les foudres de Delisle qui a mauvais caractère, et ne tentent pas de retrouver la comète.

Cependant, le 1er avril, Delisle et La Caille reçoivent une lettre d’Allemagne qui leur annonce la redécouverte de la comète par Palitzsch. Catastrophe ! À moins de perdre totalement la face, on ne peut plus garder le secret : Messier annonce à plusieurs membres de l’Académie qu’il a vu la comète dès le 21 janvier et vient d’ailleurs de la retrouver cette nuit même. Il trace la route de la comète sur une grande carte que Delisle et lui présentent au Roi. L’annonce officielle de la redécouverte par l’Académie des sciences a lieu seulement le 25 avril. C’est bien tard ; la comète est désormais très brillante et s’observe facilement. La comète disparaît le 3 juin dans le ciel illuminé par la Lune, et ne sera revue qu’en 1835.

Lors du passage de la comète, les observations et les calculs sont assez précis pour que l’on puisse constater que sa trajectoire n’est pas réellement parabolique mais plutôt elliptique, donc fermée comme il convient à une comète périodique.

 

 

 

 

 

La comète de Halley, la première comète périodique - 8

L’orbite de la comète de Halley d’après l’Astronomie populaire / Flammarion.

Remarquer son mouvement rétrograde. Uranus et Neptune n’avaient pas encore été découverts à l’époque de Halley. La comète passe l’essentiel de son temps au-delà de l’orbite de ces planètes, où elle est inobservable. Les orbites des planètes sont à l’échelle.

Source : James Lequeux