Les mécaniciens célestes reconstruisent rapidement son histoire : l’objet est passé très près de Jupiter et s’est fragmenté sous l’effet des forces de marée dues à la planète. Les fragments se sont ensuite mis en orbite autour de la planète et vont percuter en succession Jupiter en juillet 2014.
Les délais sont trop courts pour lancer une mission spatiale dédiée à l’événement, mais on utilisera les moyens existants : le télescope spatial Hubble et la sonde Galileo, qui est en route vers Jupiter. De nombreux télescopes et radiotélescopes sont mobilisés pour observer ces chutes.
Les impacts se produisent derrière le disque de Jupiter et ne sont pas directement observables depuis la Terre. Leurs sites deviennent cependant visibles quelques minutes après, grâce à la rotation rapide de la planète. Hubble fournit de la séquence une série de très belles images. La sonde Galileo est encore mieux située, et ses instruments enregistrent la totalité du phénomène.
La chute des fragments, à 60 km/s, produit d’abord dans l’atmosphère de Jupiter une boule de feu dont la température excède 20 000 degrés, puis redescend rapidement. De la matière est éjectée, puis retombe une dizaine de minutes plus tard en provoquant une nouvelle augmentation de la température. Une grosse tache noire, d’environ 6 000 km de diamètre, apparaît à l’endroit de chaque impact. On voit apparaître la signature spectrale de molécules non encore détectées dans l’atmosphère de Jupiter : l’eau H2O, observée par Galileo dans l’infrarouge proche ; CO, HCN, CS et OCS, dont l’émission est détectée par les radiotélescopes millimétriques ; enfin S2, CS2 et H2S, observées dans l’ultraviolet par Hubble. Certaines sont produites par des réactions chimiques provoquées par l’augmentation de la température. D’autres, comme H2O, sont apportées par la comète.
Cet événement est certes peu fréquent, mais non unique : les modèles de collisions avec les comètes et les astéroïdes prédisent que la chute sur Jupiter d’un objet d’un kilomètre de diamètre, comme l’était la comète SL9, se produit en moyenne tous les 500 à 1 000 ans.
D’ailleurs, un phénomène de ce genre a très probablement été observé par Cassini en décembre 1690. Les taches noires sur Jupiter dont il suit l’évolution pendant plus de deux mois sont probablement les traces de la chute d’une comète. Dans le cas de la Terre, ces chutes sont heureusement beaucoup plus rares et de l’ordre du million d’années. Il est cependant vraisemblable que l’eau des océans a été apportée sur Terre par la chute de comètes et d’astéroïdes, qui était bien plus fréquente pendant le milliard d’années qui a suivi la formation du Système solaire.