Le spectre des comètes

Newton a montré que la lumière peut être décomposée en ses différentes couleurs par un prisme, formant ce que les physiciens appellent un spectre. Joseph von Fraunhofer (1787-1826) avait vu dans le spectre du Soleil de nombreuses absorptions à différentes longueurs d’onde, les raies de Fraunhofer.

Le premier à avoir vu le spectre d’un comète est Giovanni Battista Donati (1826-1873) à Florence, celui de la comète C/1864 N1 Tempel. Il en décrit le spectre, qui présente des bandes, qui sont des zones d’émission assez étendues en longueur d’onde, et ajoute, de façon fort clairvoyante :

En comparant les spectres des différentes comètes entre eux, et aux spectres des autres sources lumineuses, nous pourrons parvenir à connaître quelque chose de plus sur la nature toujours mystérieuse de ces astres.

 

 

Comète C/1864 N1 Tempel

Le premier spectre d’une comète, dessiné par Donati en 1864. Il est comparé au spectre du Soleil dont les raies les plus fortes sont représentées. Remarquer les bandes d’émission α, β  et γ, caractéristiques des comètes.

Source : James Lequeux

L’étape suivante est franchie en Angleterre par William Huggins (1824-1910), un astronome amateur fortuné qui est un pionnier de la spectroscopie astronomique. Comparant le spectre de la comète 55P/Tempel-Tuttle avec celui de différents produits qu’il observe au laboratoire, il identifie les bandes découvertes par Donati à celles de molécules contenant du carbone (en fait le dicarbone C2).

Obtenant en 1881 des spectres plus détaillés d’une autre comète, il y retrouve les raies solaires de Fraunhofer, ce qui confirme l’observation d’Arago selon laquelle la lumière de la comète est principalement de la lumière solaire diffusée, mais affectée par des émissions propres à la comète.

 

Le spectre des comètes - 2

Dans ce spectre dessiné par Huggins en 1868 (en bas), on retrouve les bandes de Donati. Le spectre de la comète est comparé à des spectres de produits carbonés traversés par des étincelles. Les bandes sont dues à la molécule dicarbone C2.

Source : James Lequeux

Les années suivantes verront ces idées se préciser lentement. Les spectres de comètes s’accumulent alors que des travaux de laboratoire caractérisent l’émission de nombreuses molécules nouvelles. L’identification des bandes observées dans les spectres cométaires progresse. C’est ainsi que le cyanogène CN est découvert dans la grande comète C/1881 K1 ; il est à nouveau observé dans la comète de Halley au siècle suivant.

Le célèbre vulgarisateur Camille Flammarion (1842-1925) va le divulguer, ce qui provoque un début de panique : pendant la nuit du 18 au 19 mai 1910, date à laquelle la Terre doit passer dans la queue de la comète, les gens craignent d’être victimes de ce poison violent. Flammarion a beau démentir la rumeur, c’est trop tard ! Mais, bien entendu, rien ne se passe.

Le spectre des comètes - 3

Le premier spectre d’une comète obtenu par photographie dans le bleu et le violet, par Huggins en 1881. On y voit des bandes cométaires en émission (vers 40,5 et 42) et de nombreuses raies solaires en absorption qui montrent que la lumière cométaire est essentiellement de la lumière du Soleil diffusée.

Source : James Lequeux

Après de nombreux tâtonnement, les scientifiques ont fini par comprendre que la coma et queue principale des comètes contiennent des poussières, et que ce sont elles qui diffusent la lumière du Soleil. Elles sont poussées par la pression de radiation exercée par les photons solaires qui les frappent, un mécanisme découvert par le grand physicien anglais James Clerk Maxwell (1831-1879). La coma et la queue contiennent aussi du gaz, où l’on a repéré les molécules C2, C3, CN et CH.

Reste à savoir ce qu’il y a à l’intérieur de la coma. C’est ce que découvrira la sonde Giotto en 1986 : un noyau de glace et de poussières.

 

 

 

 

 

Le spectre des comètes - 4

Un spectre à très haute résolution de la comète de Halley. Il est complètement dominé dans cet intervalle spectral par la bande d’émission de la molécule C2, ici décomposée en de très nombreuses raies. Quelques raies marquées d’un point proviennent de la molécule NH2. D’après D. Lambert et al. (1990), Astrophysical journal.

Source : James Lequeux