Eau et deutérium dans les comètes

Si les sondes spatiales permettent de s’approcher des comètes, beaucoup de résultats importants peuvent être obtenus par l’observation à partir du sol, d’avions stratosphériques, de sondes spatiales ou de satellites artificiels tournant autour de la Terre. C’est ainsi que la vapeur d’eau cométaire a été découverte par l’observation à partir de l’avion KAO (Kuiper Airborne Observatory) et confirmée par l’observation avec le spectroscope IKS à bord des sondes VEGA. Parmi les satellites artificiels, le télescope spatial Hubble figure en bonne place mais plusieurs autres satellites ont récemment fourni des données très intéressantes.

 

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Le satellite SWAS

Crédit : NASA

Le premier est le petit satellite américain SWAS (Submillimeter Wavelength Astronomical Satellite), lancé en 1998 et en opération jusqu’en 2004. Bien qu’il n’ait pas été conçu initialement pour observer les comètes, SWAS été réactivé après un an d’hibernation pour observer l’impact créé par le bolide SMART lancé par la sonde Deep Impact sur le noyau de la comète 9P/Tempel 1, et a pu mesurer la quantité d’eau éjectée grâce à son émission dans le domaine submillimétrique. Elle s’est révélée faible, ce qui montre que l’endroit où l’impacteur s’est écrasé ne contenait pas beaucoup de glace, mais surtout de la poussière.

Après SWAS est venu en 2001 le petit satellite suédois Odin, lancé en partenariat avec le Canada, la Finlande et la France et qui fonctionne toujours fin 2015. Il a beaucoup apporté à la physique cométaire en observant la vapeur d’eau dans une douzaine de comètes, et en détectant même la molécule H218O, dans laquelle l’oxygène est remplacé par son isotope rare.

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Le satellite Odin

Crédit : Agence spatiale canadienne

 

Herschel était un gros satellite de l’Agence Spatiale Européenne, comportant un radiotélescope pour ondes submillimétriques de 3,5 m de diamètre. Il a été lancé en 2009 et a cessé de fonctionner en 2013, l’hélium liquide qu’il contenait étant épuisé. Grâce à sa très grande sensibilité, il a pu mesurer la quantité d’eau lourde HDO émise par plusieurs comètes, en particulier la comète 103P/Hartley 2 visitée en 2010 par la sonde américaine EPOXI. On a pu ainsi mesurer le rapport D/H entre l’abondance du deutérium, l’isotope lourd de l’hydrogène, et l’hydrogène lui-même. L’intérêt de ce rapport est lié à l’origine de l’eau sur la Terre. La Terre ayant traversé une phase où elle était si chaude que l’eau s’est entièrement évaporée, l’eau qui y est présente actuellement a dû être apportée par des comètes ou des astéroïdes. Les rapports D/H mesurés dans les différentes comètes où cela a été possible sont compris entre le rapport terrestre (pour Hartley 2) et deux fois ce rapport, ou même trois fois dans le cas de la comète « Chury » explorée par Rosetta. Par ailleurs, on a pu mesurer le rapport D/H dans de l’eau incluse dans plusieurs astéroïdes, et il est égal au rapport terrestre. Les astéroïdes sont-ils dominants dans l’apport du précieux liquide ? C’est d’autant plus possible que Herschel a détecté de la vapeur d’eau émise par le plus gros d’entre eux, Cérès, ce qui d’ailleurs montre que la frontière entre astéroïdes et comètes n’est pas très claire. Mais la statistique est encore faible, et il n’est pas encore possible de donner une réponse claire à la question de l’origine de l’eau terrestre. 

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Le satellite Herschel

Crédit : ESA / AOES Medialab ; arrière plan : Hubble Space Telescope, NASA/ ESA/ STScI