En route vers la comète de Halley

La célèbre comète de Halley, qui revient tous les 75 ou 76 ans, est attendue à nouveau en 1986. Avec l’avènement de l’ère spatiale, il est désormais envisageable d’aller l’étudier de près. Dès le début de 1970, les astronomes américains, japonais et européens envisagent une mission cométaire, et la comète de Halley est une cible toute désignée, d’autant plus que c’est la plus célèbre des comètes, un argument de poids auprès des décideurs. Elle est jeune et brillante, et sa trajectoire est très bien connue. Mais il y a un hic : la comète tourne autour du Soleil dans le sens inverse des planètes. Une sonde spatiale, dont le mouvement ne peut pas être très différent de celui de la Terre à moins d’une dépense considérable d’énergie, ne pourra que croiser la comète venant en sens inverse, si bien que le temps d’observation sera très court. Malgré ce handicap, c’est bien elle qui est choisie par toutes les agences spatiales.

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La sonde Giotto de l’Agence spatiale européenne en cours de test en 1985 de la sonde est de 1,85 m et sa masse de 960 kg. Au-dessus, l’antenne parabolique destinée aux communications avec la Terre. Les instruments d’observation et l’électronique sont placés dans les plateformes inférieures. Plus bas, un bouclier dont le principe est dû à Fred Whipple, destiné à protéger l’engin des particules cométaires rencontrées à grande vitesse par la sonde.

Crédit : ESA

La NASA fait montre d’une grande ambition, car elle espère pouvoir accompagner la comète sur son orbite en modifiant profondément la trajectoire de la sonde grâce à la propulsion ionique, basée sur l’éjection d’ions accélérés par des grilles portées à des potentiels électriques élevés. Mais l’enthousiasme du public suscité par les missions Viking vers Mars est retombé car elles n’ont pas démontré la présence de vie sur la planète, et la NASA abandonne l’idée d’accompagner la comète dans son mouvement, ceci qui ne sera réalisé que bien plus tard par la mission Rosetta.

La situation est plus favorable en Europe, qui s’est dotée en 1975 d’une agence spatiale, l’ESA (European Space Agency). L’ESA envisage dès 1976 une mission cométaire. Au vu de ses propres difficultés financières, la NASA lui propose en 1979 une mission commune vers la comète. Mais l’ESA redoute à juste titre une défection américaine, qui va d’ailleurs bientôt se produire. Heureusement, elle a décidé en 1980 de développer sa propre mission ; ce sera le projet Giotto, en l’honneur du peintre qui a représenté vers 1305 la comète dans une fresque célèbre à Padoue.

La sonde Giotto doit être lancée en juillet 1985 pour atteindre à temps la comète, ce qui impose que tous les instruments qu’elle comportera soient prêts fin 1984. C’est un défi qui sera relevé de façon très satisfaisante : le lancement par une fusée Ariane a bien lieu le 2 juillet 1985.

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L’Adoration des Mages, fresque peinte par Giotto (ca. 1266-1337) sur les murs de la chapelle Scrovegni (Padoue, Italie) vers 1305. L’astre qui est censé avoir guidé les mages est représenté sous la forme d’une comète, probablement en souvenir du passage de la comète de Halley en 1301. C’est à partir de cette représentation qu’a été baptisée la sonde Giotto.

Crédit : DR

En parallèle, en France, une collaboration active a lieu avec les soviétiques autour de l’astronomie spatiale. Un projet commun vise à explorer Vénus : c’est la mission Venera-84. Mais après avoir survolé Vénus, pourquoi ne pas se diriger vers la comète ?  Les soviétiques prendraient ainsi leur revanche sur les américains. Le projet est accepté et nommé Vega (une contraction de Venera-Halley en russe). Comme souvent chez les soviétiques, elle comporte deux sondes identiques ; les astronomes français placent sur chacune d’elles un spectromètre infrarouge baptisé IKS (InfraKrasnoie Spektrometer en russe).

De son côté, dans la discrétion, l’agence japonaise ISAS construit les sondes Suisei et Sakigake, principalement destinées à l’étude du vent ionisé que le Soleil envoie dans tout le Système solaire, mais qui doivent passer non loin de la comète pour l’observer.

Les cinq sondes – une européenne, deux soviétiques et deux japonaises, passeront effectivement en mars 1986 à des distances plus ou moins grandes de la comète. La NASA, qui vient de subir le désastre de l’explosion de la navette Challenger le 28 janvier précédent, assiste impuissante à l’événement.

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Modèle des deux sondes soviétiques Vega. À droite, l’antenne parabolique de télécommunications avec la Terre. La sphère inférieure est l’atterrisseur qui se posera sur Vénus. Le ballon blanc, en haut, est celui qui est gonflé au moment de l’atterrissage : il porte un petit appareil de mesure et se détachera dans l’atmosphère de Vénus.

Crédit : Daderot / Wikimedia Commons