Newton et les comètes

En 1687, Isaac Newton (1643-1727) publie son ouvrage Philosophiae Naturalis Principia Mathematica (Les principes mathématiques de la philosophie naturelle, ce que nous appelons aujourd’hui la physique). On y trouve l’exposé de sa théorie de la gravitation universelle, qui dit que les corps s’attirent entre eux avec une force proportionnelle à leur masse et inversement proportionnelle au carré de leur distance. Il l’applique au mouvement des planètes autour du Soleil et démontre les trois lois empiriques établies par Kepler :

1. Les orbites des planètes sont des ellipses dont le Soleil occupe un des foyers, ou, parfois, - c’est le cas des comètes-  des paraboles dont le Soleil occupe le foyer.
2. Le segment de droite qui réunit la planète au Soleil balaye des aires égales en des temps égaux.
3. Le carré de la période de révolution d’une planète est proportionnel au cube du demi-grand axe de son orbite.

Puis il se demande pourquoi les comètes n’obéiraient pas aux mêmes lois que les planètes dans leur mouvement autour du Soleil. Dans ce cas, elles devraient décrire des orbites elliptiques, et, si elles viennent de très loin, des orbites paraboliques qui ne sont que la limite des orbites elliptiques extrêmement allongées. Il suffit donc de remplacer « planète » par « comète » dans l’énoncé des lois de Kepler donné ci-dessus. Newton trouve que ses idées s’accordent bien avec l’observation des comètes, et invente même une méthode pour trouver l’orbite parabolique d’une comète apparue pour la première fois, à partir de la mesure de plusieurs de ses positions successives par rapport aux étoiles.

À vrai dire, ce n’est pas seulement la fameuse pomme, mais les comètes elles-mêmes qui ont stimulé Newton dans ses travaux. En effet, son ami Edmond Halley (1656-1742), persuadé que certaines comètes ont une orbite fermée, lui rend visite en 1684 et lui demande quelle serait la trajectoire d’un corps soumis à l’attraction du Soleil avec une force variant comme l’inverse du carré de la distance (cette idée était dans l’air) : une ellipse, lui répond Newton. D’ailleurs, celui-ci lui envoie en novembre un petit ouvrage intitulé De motu corporum in gyrum (Du mouvement des corps qui tournent), où il démontre sa proposition. Impressionné, Halley se familiarise avec la théorie de la gravitation universelle dont il va se faire l’ardent propagandiste.

Cependant, les idées de Newton sont tellement révolutionnaires qu’elles ne seront pas facilement acceptées en France. L’existence d’une force d’attraction agissant à distance paraît difficile à admettre pour des esprits imprégnés des idées de René Descartes (1596-1650), pour lequel l’Univers est plein de tourbillons d’une matière subtile, qui transmettent les forces par pression. Newton aura beau montrer que les idées de Descartes sont incompatibles avec la physique, Cassini et son entourage scientifique ne seront jamais newtoniens. Certains savants comme l’abbé Louis-Nicolas de la Caille (1713-1762) ou Pierre Louis Moreau de Maupertuis (1698-1759) ont beau adhérer entièrement à la théorie de Newton, celle-ci ne sera adoptée par tous qu’après que la Marquise Gabrielle Émilie du Châtelet (1709-1749) ait traduit en français et commenté les Principia  et que son ami Voltaire (1694-1778) s’en soit fait le défenseur. La parution posthume de cette traduction coïncide d’ailleurs avec le retour de la comète de Halley en 1759, assurant enfin le triomphe de Newton dans notre pays.

Newton et les comètes - 3

Les « tourbillons » de Descartes, tiré de Principia philosophiae / Descartes, 1644.

Crédit : Observatoire de Paris