Les comètes de l’Antiquité au Moyen-Âge

Les comètes ont fait depuis toujours l’objet des spéculations les plus folles. L’apparition soudaine de ces astres spectaculaires était évidemment réinterprétée après coup comme annonciatrice des évènements majeurs qui s’étaient déroulés. Elles étaient donc censées le plus souvent présager quelque catastrophe, mort, défaite …ou victoire. Diodore de Sicile (90-30 av. J.C.) écrit par exemple dans sa Bibliothèque historique :

« En la première année de la cent-deuxième Olympiade [372 av. J.-C.]…, plusieurs prodiges annoncèrent aux Lacédémoniens leur humiliation prochaine : un flambeau ardent d’une grandeur extraordinaire, auquel on donna le nom de poutre enflammée, parut durant plusieurs nuits. »

Les représentations médiévales des comètes sont généralement fantaisistes, mais ont le plus souvent un caractère effrayant. Outre la poutre enflammée qui revient de façon récurrente, on trouve des glaives et des lances enflammées ou non, des monstres dévorants, des têtes humaines chevelues ou barbues, ce qui ne faisait que suivre les descriptions grecques et romaines.

Les comètes étaient réputées appartenir au monde sublunaire (plus proche que la Lune), imparfait et susceptible de changements, alors que le monde supra-lunaire était parfait et immuable. Suivant Aristote, elles étaient des phénomènes atmosphériques, donc très proches de nous et de ce fait particulièrement redoutables.

Au milieu de ces fantaisies se dresse un personnage remarquable : le romain Sénèque (4 av. J.C. – 65 ap. J.C.), philosophe stoïcien, précepteur et conseiller de Néron, qui l’obligera à se suicider après sa disgrâce. Il consacre dans ses Questions Naturelles de nombreuses lignes aux comètes, dont il dit :

« Pour faciliter nos recherches, il sera bon d’examiner si les comètes sont de même nature que les corps placés plus haut qu’elles [les planètes]. Elles ont avec eux des points de ressemblance. […] Rien de confus ni de tumultueux dans leur allure, rien qui fasse augurer qu’elles obéissent à des éléments de trouble et à des mobiles inconstants. Et puis, quand ces tourbillons [de l’atmosphère] seraient assez forts pour s’emparer des émanations humides et terrestres et les lancer de si bas à de telles hauteurs [c’est l’idée d’Aristote sur les comètes], ils ne les élèveraient pas au dessus de la Lune : toute leur action s’arrête aux nuages. Or nous voyons les comètes rouler au plus haut des cieux parmi les étoiles. Il n’est donc pas vraisemblable qu’un tourbillon se soutienne en un aussi long parcours. »

Les comètes de l’Antiquité au Moyen-Âge - 2

Les comètes comme des exhalaisons de la Terre, d’après Aristote. De cometis dissertationes novae clariss. / Thomas Erastus, Andreas Dudith, Marco Squarcialupi, Simon Grynaeus - Basilae, 1580 - p. 78

Crédit : Observatoire de Paris

Sénèque pense donc, en opposition à Aristote, que les comètes ne sont pas nécessairement des phénomènes atmosphériques, et peuvent être plus éloignées que la Lune. Il ajoute :

« Pourquoi donc s’étonner que les comètes, dont le monde a si rarement le spectacle, ne soient point encore pour nous astreintes à des lois fixes, et que l’on ne connaisse d’où viennent ni où s’arrêtent ces corps […]. Un âge viendra où ce qui est mystère pour nous sera mis au jour par le temps et les études accumulées depuis des siècles. […] Il naîtra quelque jour un homme qui démontrera dans quelle partie du ciel errent les comètes ; pourquoi elles marchent si fort à l’écart des autres planètes ; quelle est leur grandeur, leur nature. »

Ce remarquable texte, qui appelle à une véritable étude scientifique des comètes, tranche avec la passivité qui caractérisera pendant de nombreux siècles les successeurs du philosophe.

En identifiant souvent à une comète l’Étoile du berger, annonciatrice de la naissance du Christ, le christianisme inverse la tendance antique : les comètes peuvent devenir des signes favorables.

C’est ce qui apparaît dans la représentation de la comète de Halley dans la tapisserie de Bayeux ou dans les enluminures monastiques. Mais nous sommes encore loin d’une approche scientifique.